En général, j’avais
tendance à bien aimer Houellebecq, même s’il m’avait un peu
déçu avec « La possibilité d’une île ». Mais dans
ce cas particulier, je peux clamer haut et fort mon amour pour le
monsieur.
« La carte et le
territoire » va vite devenir mon roman préféré de l’auteur.
Déjà, j’étais charmé par le titre; la cartographie étant une
discipline qui me fascine depuis ma lecture des « cités
obscures ». La métaphore est belle: Le territoire c’est la
nature sauvage, c’est le paysage qu’on voit en survolant des
champs et des villages anonymes. Alors que la carte, c’est la
marque de l’homme sur ce territoire, une tentative de se
l’approprier. Il y a un parallèle avec l’art. La carte c’est
une vision subjective. Une manière de rendre compte du monde tel
qu’il est, ou plutôt, tel qu’on le voit.
Bref, il va sans dire que ce
sont les thèmes de l’art et de la géographie qui m’ont touché
dans ce roman. On y parle d’une France dans un futur très proche.
D’une France à la province idéalisée. Etant moi-même une
campagnarde assumée, je comprends et je ressens déjà les prémices
de ces changements autour de moi. La France dépeinte par Houellebecq
fait la part belle aux choses du terroir, à un certain retour à la
terre. Et à une marchandisation effrénée du tourisme rural
(n’oublions pas qu’il s’agit de Houellebecq: il est beaucoup
question d’argent et d’économie). Le chef de file de ce
mouvement néo-rural n’est autre que Jean-Pierre Pernault, le
présentateur du treize heures de TF1. Dans la réalité ce n’est
pas une personne que j’admire beaucoup. Mais j’avoue qu’en
personnage de fiction, il s’avère plutôt drôle. ça me rappelle
les bouquins ethnologiques de Pascal Dibie, « le village
métamorphosé ». C’est ce qui est génial avec le fait de
situer son histoire dans un futur contemporain, que ce soit hautement
probable.
J’ai beaucoup aimé la
relation entre Jed, le personnage principal, et son père. Où deux
visions de l’art s’affrontent, puis finissent par se comprendre.
Et puis cette espèce de solitude même quand ils sont ensemble (tous
les noëls). On imagine sans peine les silences des réveillons.
Je n’ai jamais craché sur un
peu de narratologie à l’occasion. Oui, je suis une adepte de
Genette! Pour le coup, j’étais servi ici, étant donné qu’on
rencontre assez vite un personnage nommé « Michel
Houellebecq ». Ça paraît un peu artificiel parfois. Surtout
quand l’auteur (par souci d’économie de répétition?) le
désigne comme « l’auteur des Particules » ou
« l’auteur de Plateforme ». Sinon, chapeau! Mettre en
scène sa propre mort, rêver son enterrement, ça relève bien du
fantasme d’écrivain.
Il y a aussi une enquête
policière. Exercice assez nouveau pour Houellebecq. Il ne s’en
sort pas si mal, même si elle commence un peu tard ( 3ème partie).
Enfin et comme c’est ce que
je préfère dans l’univers de Houellebecq, il y a des vérités
qui m’ont émues parce que comme d’habitude ça touche bien là
où il faut. ( Je me souviens d’une scène dans « extension
du domaine de la lutte » qui m’avait presque fait pleurer où
le personnage célibataire va acheter un lit. Il n’a pas beaucoup
d’argent, mais sous les allusions du vendeur et par convention
sociale, il prend un lit double dont il n’aura pas l’usage.) J’ai
particulièrement été touchée par cette phrase: « Le matin
du vernissage, il se rendit compte qu’il n’avait pas prononcé
une parole depuis presque un mois, à part le « non »
qu’il répétait tous les jours à la caissière (rarement la même,
il est vrai) qui lui demandait s’il avait la carte Club Casino. »
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