vendredi 11 janvier 2013

La Carte et le Territoire, Houellebecq retrouvé?


En général, j’avais tendance à bien aimer Houellebecq, même s’il m’avait un peu déçu avec « La possibilité d’une île ». Mais dans ce cas particulier, je peux clamer haut et fort mon amour pour le monsieur.
« La carte et le territoire » va vite devenir mon roman préféré de l’auteur. Déjà, j’étais charmé par le titre; la cartographie étant une discipline qui me fascine depuis ma lecture des « cités obscures ». La métaphore est belle: Le territoire c’est la nature sauvage, c’est le paysage qu’on voit en survolant des champs et des villages anonymes. Alors que la carte, c’est la marque de l’homme sur ce territoire, une tentative de se l’approprier. Il y a un parallèle avec l’art. La carte c’est une vision subjective. Une manière de rendre compte du monde tel qu’il est, ou plutôt, tel qu’on le voit.
Bref, il va sans dire que ce sont les thèmes de l’art et de la géographie qui m’ont touché dans ce roman. On y parle d’une France dans un futur très proche. D’une France à la province idéalisée. Etant moi-même une campagnarde assumée, je comprends et je ressens déjà les prémices de ces changements autour de moi. La France dépeinte par Houellebecq fait la part belle aux choses du terroir, à un certain retour à la terre. Et à une marchandisation effrénée du tourisme rural (n’oublions pas qu’il s’agit de Houellebecq: il est beaucoup question d’argent et d’économie). Le chef de file de ce mouvement néo-rural n’est autre que Jean-Pierre Pernault, le présentateur du treize heures de TF1. Dans la réalité ce n’est pas une personne que j’admire beaucoup. Mais j’avoue qu’en personnage de fiction, il s’avère plutôt drôle. ça me rappelle les bouquins ethnologiques de Pascal Dibie, « le village métamorphosé ». C’est ce qui est génial avec le fait de situer son histoire dans un futur contemporain, que ce soit hautement probable.
J’ai beaucoup aimé la relation entre Jed, le personnage principal, et son père. Où deux visions de l’art s’affrontent, puis finissent par se comprendre. Et puis cette espèce de solitude même quand ils sont ensemble (tous les noëls). On imagine sans peine les silences des réveillons.
Je n’ai jamais craché sur un peu de narratologie à l’occasion. Oui, je suis une adepte de Genette! Pour le coup, j’étais servi ici, étant donné qu’on rencontre assez vite un personnage nommé « Michel Houellebecq ». Ça paraît un peu artificiel parfois. Surtout quand l’auteur (par souci d’économie de répétition?) le désigne comme « l’auteur des Particules » ou « l’auteur de Plateforme ». Sinon, chapeau! Mettre en scène sa propre mort, rêver son enterrement, ça relève bien du fantasme d’écrivain.

Il y a aussi une enquête policière. Exercice assez nouveau pour Houellebecq. Il ne s’en sort pas si mal, même si elle commence un peu tard ( 3ème partie).
Enfin et comme c’est ce que je préfère dans l’univers de Houellebecq, il y a des vérités qui m’ont émues parce que comme d’habitude ça touche bien là où il faut. ( Je me souviens d’une scène dans « extension du domaine de la lutte » qui m’avait presque fait pleurer où le personnage célibataire va acheter un lit. Il n’a pas beaucoup d’argent, mais sous les allusions du vendeur et par convention sociale, il prend un lit double dont il n’aura pas l’usage.) J’ai particulièrement été touchée par cette phrase: « Le matin du vernissage, il se rendit compte qu’il n’avait pas prononcé une parole depuis presque un mois, à part le « non » qu’il répétait tous les jours à la caissière (rarement la même, il est vrai) qui lui demandait s’il avait la carte Club Casino. »

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